Nous allons fêter les deux ans de l’ouverture du service Castor & Pollux, dédié aux rencontres fratries et rattaché au Foyer Educatif  La Passerelle. Une fratrie c’est l’art de s’aimer comme chien et chat, comme l’évoque Nina Bataille dans son ouvrage Frères Et Sœurs, De La Rivalité A La Complicité : « un jour ils chahutent, se chamaillent, crient, voire se bagarrent…le lendemain, ils s’entraident, se soutiennent et s’aiment. Même s’ils ont parfois du mal à se supporter, ils nourrissent l’espoir de s’aimer toute la vie et de ne jamais se quitter. »

En juin 2019, nous accueillons la première fratrie : un frère pris en charge à La Passerelle, et les autres enfants sur des établissements situés en Essonne. Première émotion pour nous, lorsque le plus jeune des enfants, âgé alors de 5 ans, saute au cou de son grand frère avec des sourires qui font chaud au cœur et qui viennent souligner l’intérêt de ce nouveau service.

Nous recevons aussi trois sœurs des deux maisons différentes : début hésitant, elles se regardent, interrogent toujours du regard le professionnel accueillant. Nous lisons sur les visages toutes les questions : que puis-je faire ? Est-ce que je peux parler ? Sommes-nous obligées de jouer aux jeux de société qui sont sur la table ? Le professionnel accompagne, nous réexpliquons le projet, juste un temps entre elles, pour rire, chanter, danser, dessiner, jouer. Et Nous ? Et bien Nous ! Nous animons si besoin, nous protégeons si nécessaire, ou nous nous éloignons si notre présence ne sert à rien. C’est l’équilibre de notre présence/absence sur ces temps de rencontre qui offre aux enfants le loisir d’être ensemble, mais pas dans une institution, plutôt comme dans une médiathèque ou ludothèque, mais avec un goûter tout de même !

La fin du temps de rencontre se termine la plupart du temps par des embrassades, un « check » souvent fait par le plus grand et qui transmet les gestes des mains au plus jeune. La fin de ces moments reste pour les enfants, mais aussi pour les professionnels, un temps émotionnel qui donne une énergie particulière. C’est une création d’une complicité retrouvée ou en devenir qui peut se tisser et laisser des souvenirs d’enfance.

A partir de novembre 2019, le service connait un essor. Nous envoyons régulièrement les fiches de coordination au référent de l’aide sociale à l’enfance, nous avons pris le soin d’aller à la rencontre des maisons départementale des solidarités pour expliquer notre projet. L’intérêt des travailleurs sociaux se manifeste afin de permettre les liens fraternels très souvent distants du fait de l’éloignement ou du manque de temps organisationnel pour gérer ces rencontres.

Alors que cela puisse se dérouler dans un lieu neutre, en sécurité et sur des temps définit à l’avance, oui bien sûr, les professionnels ont compris que les enfants auraient le plaisir de vivre cela. Les enfants placés dans des lieux éloignés, ce n’est pas toujours la meilleure des solutions, mais le choix des places contraint à ces séparations, et parfois cela est même nécessaire, mais dans tous les cas, maintenir du lien, remplir sa mémoire avec des souvenirs d’enfance avec ses frères et sœurs semble indispensable.

Cette idée nous la partageons et la faisons vivre au sein de Castor & Pollux. Une photo instantanée est prise pour chacun à la fin de la rencontre, ils repartent avec ; nous espérons qu’ils remplissent leur boite secrète, leur carnet de vie avec…

Les retours enjoués des enfants ont contribué à nous faire connaitre auprès des structures et des référents de l’A.S.E. Nous avons reçu beaucoup de demandes, les mercredis n’ont plus suffi, nous avons élargi au samedi après-midi.

Nous avons tricoté des tranches horaires, comme pour ces deux frères dont l’un venait d’Auvergne, pour rencontrer son psychiatre le samedi en début d’après-midi. Alors comment faire ? Trop de temps de voiture pour revenir sur un autre moment, après la séance de soin ? trop complexe ! et bien le repas du midi, oui c’est la bonne idée ! Ils se retrouvent un peu avant, ils jouent puis ils déjeunent, l’un apporte le plat l’autre le dessert, et nous on s’assure que tout se passe bien. On organise, on se téléphone, on ajuste et réajuste… Castor & Pollux a pu répondre présent dans cette nouvelle tranche horaire toujours dans l’intérêt des enfants.

Alors tout naturellement depuis janvier 2021, le service est ouvert le samedi toute la journée et le mercredi après-midi. Des temps sur l’extérieur ont été pensé, escalade pour certain, faire les boutiques entre sœurs, jeux de ballon dehors au stade ou bien visite d’une ferme pédagogique. Les souvenirs se superposent aussi avec l’environnement et des temps commun pour multiplier les souvenirs.

Certaines rencontres de fratries ont pris fin. La plupart du temps, cela est positif car il y a des retours en famille qui se dessinent ; il faut privilégier les rencontres avec les parents, et là ce n’est plus à nous d’intervenir.

Aucune fratrie n’a arrêté par manque d’envie.  Nous avons modulé les fréquences, ajusté les temps de visite si nécessaire, mais nous tentons de proposer du lien sous une forme qui est supportable pour les enfants :  pas d’obligation, juste du temps de partage. Comme dans la mythologie à l’origine du nom de ce service, nous prenons en compte le souhait de la fratrie de vivre ensemble mais à un rythme adapté à eux, à leur désir, pour que chacun puisse y trouver du sens, de la gaité et se remémorer, peut être à l’âge adulte, ces moments de partage commun que nous leur permettons de vivre.

Ce nouveau service offre un laps de temps hors des murs, hors des parents, des travailleurs sociaux. Juste entre frères et sœurs pour continuer à être une fratrie. A Castor & Pollux,  ils jouent, parlent, se chamaillent ; mais il reste ce doux parfum du moment partagé, du fou rire, du dernier cache-cache dans le jardin, de la photo instantanée.

Notre motivation se niche dans leurs sourires, dans les embrassades lors des arrivées, des larmes au moment des aurevoir et puis à très vite… nous poursuivons ce projet innovant et espérons voir et revoir des mains dans les mains.

Carine Cauvin, cheffe de service éducatif