mattar sau92 avvejDimanche 14 février, le SAU 92 recevait Walid Mattar pour un échange sur le cinéma après la projection de son dernier film, Le Vent Du Nord. Ce cinéaste tunisien organise régulièrement des ateliers d’écriture et de réalisation de court-métrages avec des adolescents, issus de structures semblables au SAU ou de « quartiers difficiles ». A partir d’un thème donné, les jeunes doivent écrire, inventer, jouer et tourner eux-mêmes, accompagnés par le réalisateur. Selon les tournages, Walid Mattar utilise du matériel professionnel, pour une véritable expérience d’immersion : aux jeunes de penser les décors, la lumière, les costumes, etc. « Ca boost la confiance en soi, de réaliser un projet du début à la fin, de voir son nom au générique », explique-t-il. « Ça leur montre qu’ils sont capables de créer quelque chose qui dure. »

Ce projet de rencontre est né en période de crise sanitaire, pour compenser la suppression des sorties ciné qui avaient lieu tous les dimanches pour les jeunes du SAU. « On a décidé de faire venir le cinéma à nous ! » résume Mariem Sdiri-Didier, cheffe de service de l’établissement. « L’objectif, c’était de leur redonner des paillettes dans les yeux car ils en manquent. » Et dans les tuyaux, un projet de réalisation de court-métrage, avec un focus sur la création. « La question de l’écriture scénaristique est aussi importante, car certains jeunes déscolarisés ont un rapport rébarbatif à l’écriture. », analyse-t-elle. « Produire un scénario c’est une écriture simple, dans l’action », abonde Walid Mattar. De quoi réconcilier les adolescents avec la feuille blanche ?

Après 1h30 de projection, c’est le moment du débat. Les six jeunes, d’ordinaire dissipés, surprennent la cheffe de service du SAU. « On va demander à Monsieur Mattar de rester ici, parce vous êtes super sages ! », s’étonne-t-elle. Walid Mattar a commencé le cinéma à 13 ans, dans un petit cinéclub de son quartier en Tunisie. « Mais, ça n’existait pas le cinéma quand vous aviez 13 ans ! », s’étonne une ado. Rien qui ne réussisse à vexer le réalisateur, qui leur dévoile alors les secrets de tournage : comment sont filmées les chutes, les bagarres, les scènes de manifestations, qui rajoute le bruit des claques ou quelles scènes sont agrémentées d’images de synthèse…

Mais ce qui intrigue les jeunes, c’est surtout le coût. « Combien c’est payé un acteur ? Et un réalisateur ? Ça coute combien de faire un film ? On gagne plus d’argent qu’un footballeur ? » Après tout, business is business, même quand on a quatorze ans. Walid Mattar leur explique qu’un film c’est comme un petit commerce : il faut le faire vivre et intéresser des producteurs. « Le financement c’est compliqué, il faut convaincre, c’est comme quand on cherche du travail par exemple, il faut envoyer des lettres de motivations, ça prend du temps. » M, le plus âgé de la salle et qui vient de décrocher un contrat après de longues recherches, compatis.

Jeune mineur isolé, M a vu le film deux fois, et reste toujours aussi captivé. Son parcours migratoire fait écho à celui de Foued, personnage du long métrage, qui quitte son pays natal pour la France. Les jeunes réclament un deuxième film pour terminer son histoire. « Peut être qu’il va venir au SAU pour signer un contrat jeune majeur ? », propose la cheffe de service. Après les rires, M demande plus sérieusement : « il est arrivé en France, il est content, maintenant c’est quoi la suite ? »

« Et si c’était vous qui l’écriviez ? » suggère Mariem Sdiri-Didier. Rendez-vous est pris.