Fontenay-aux-Roses. Bâtiment administratif, bureaux éducatifs et crèche-halte-garderie Clairefontaine.

Le foyer d’hébergement pour familles, jeunes femmes et enfants. Architecte Le Penhuel. 2011.

Les idées n’existent que si des acteurs les portent. Et c’est toute la difficulté des institutions : que des acteurs portent durablement des idées pour qu’elles infusent puis influent sur le fonctionnement. Les établissements socio-éducatifs s’inscrivent dans les dynamiques sociales et la question écologique est maintenant un pré-requis de toute décision gestionnaire et éducative. Il est alors intéressant de se retourner pour analyser comme un point d’étape, comment aux MAPE, simple lieu d’accueil parmi d’autres, cette thématique marginale s’est imposée progressivement, dans la perspective qu’elle devienne structurante du fonctionnement.

Depuis 50 ans tout est sur la table : les données sont connues – études, statistiques, informations, théories…- l’offre politique est présente dans tous les pays développés : associations, activistes et partis verts de toutes nuances. Mais les peuples qui le pouvaient votaient majoritairement pour des politiques économiques visant à augmenter la croissance, la consommation, le productivisme. Et leurs élus avec application précédaient et répondaient à la demande majoritaire de toujours plus. C’est bien en connaissance de cause écologique et avec un déni collectif de la réalité que le choix a été fait de polluer les océans, l’eau, l’air, les paysages, les terres agricoles, de détruire quelques espèces animales et végétales, de réchauffer le climat à feu doux pour porter la planète à ébullition.

Et si la transition écologique est aujourd’hui dans tous les discours, elle a si peu commencé qu’il est peut-être déjà trop tard. Les sceptiques et les collapsologues en discutent. Le travail social est parfois militant de la question écologiste mais alors qu’il se charge de l’urgence et des insuffisances du système économique et social, cette orientation n’a pas été prioritaire : sa préoccupation première est de sortir des personnes de la rue pour les faire rentrer là où c’est chauffé, chaleur humaine en sus, que l’énergie soit fossile ou éolienne importe assez peu.

Dans ce champ professionnel, l’espace d’intervention des MAPE est de répondre à un aspect de l’urgence sociale. Avec un public de femmes enceintes, bébés, enfants et jeunes parents, nous adoptons le postulat que l’idée d’avenir a encore un avenir au-delà des trois ans de l’enfant, âge limite de l’accueil en foyer maternel et parental. Nous prenons en compte la démographie sans se poser de question sur les risques liés à la surpopulation, le développement et la croissance qui nous intéressent sont ceux des bébés qui naissent, font leurs premiers pas aux MAPE et auront 20 ans en 2040.

Là où nous, professionnels de la planète MAPE pouvions agir : qu’avons-nous fait ?

Les locaux du foyer maternel de Fontenay-aux-Roses dessinés en 2009 sur commande de l’AVVEJ font figure de bâtiment manifeste : la crèche et la partie administrative ont un toit végétal (même si les canicules sont gérées derrière la façade en verre par des ventilateurs électriques), et le foyer d’hébergement est recouvert d’un bardage de bois qui fait de lui un bâtiment peu énergétivore. Que cette revendication écologico-architecturale se soit exprimée dans un espace dédié à la petite enfance pourrait être un message politique, traduisant la conscience d’une nécessité dès lors que l’on veut projeter des enfants dans un monde vivable.

Ainsi, quand elle a pu construire des locaux d’accueil et de travail, l’AVVEJ a considéré la contrainte écologique mais dans une sorte de non-dit, le projet associatif de l’époque étant muet sur le sujet. 
Quant au projet d’établissement conçu pour l’ouverture des locaux, il n’était pas plus disert. Personne ne demandait rien : ni l’association gestionnaire, ni le public accueilli, ni les salariés, ni les contrôleurs d’application des règlementations diverses.

Plus tard, écrit en 2014 au moment de la fusion des foyers maternels Le Bief (Antony) et Clairefontaine (Fontenay-aux-Roses), le projet d’établissement des MAPE expédiait la question en trois lignes à la page 113 :

« Le dispositif MAPE mène des actions visant à économiser sur les dépenses d’énergie, à contrôler ses consommations diverses, en particulier de papier par une communication en partie dématérialisée, en entretenant ses biens pour retarder leur obsolescence. »

Entre temps, on a bien essayé d’isoler les locaux du Bief, autre et ancien bâtiment où sont accueillies des familles à Antony, changé  portes et fenêtres, résorbé les fuites d’eau d’un réseau obsolète, organisé le tri sélectif, réduit le nombre de photocopies, remplacé les véhicules diesel par des véhicules hybrides, isolé une partie de toiture… Des intentions mais pas de réelle politique : l’objectif de créer un établissement pour accueillir 55 familles au moins 110 personnes, et pour que 80 professionnels y travaillent imposait de hiérarchiser les priorités : le développement durable n’apparaissait pas encore comme élément déterminant de la gouvernance, ni des politiques d’achat, ni des choix éducatifs.

Lors de l’actualisation du projet d’établissement, quand les MAPE ouvrent des places en accueil parental, deux lignes sont ajoutées : 

« Une commission de développement durable travaille sur ces thématiques pour leur mise en œuvre concrète. Elle réunit des professionnels et des parents accueillis. »

En effet en 2017, une CDD est venue traduire les intentions en actes. Les salariés et les personnes accueillies, des jeunes parents avaient été invités à s’y inscrire :

« Elle sera une instance consultative, de propositions, d’initiation et de suivi de projets avec comme principaux objectifs :

  •  proposer des projets d’éducation au développement durable à destination du public accueilli ;
  • promouvoir des comportements professionnels de moindre consommation matérielle ;
  •  faire des propositions permettant d’intégrer la préoccupation écologique dans les fonctionnements mis en place aux MAPE, dans les décisions d’achats et d’investissement, dans les projets d’organisation et d’aménagements. La commission pourra être consultée pour avis par le directeur en fonction des projets d’aménagement envisagés ;
  • suivre la réalisation des projets engagés.

 La note d’orientation précisait les objectifs :

« Les projets : simple idée, micro-projets ou projets d’envergure, supposent que soit vérifiée leur faisabilité à partir de différents critères :

  • valeur éducative et conformité avec le projet d’établissement ;
  • potentiel d’amélioration d’un aspect organisationnel ou éducatif des MAPE ;
  • faisabilité par l’établissement : compétences internes, engagements personnels, capacité collective à mettre en œuvre et à suivre le projet… durablement ;
  • faisabilité financière. »

La commission serait composée de 6 à 8 professionnels salariés non cadres ou cadres sensibilisés à ces thématiques. L’instance serait transversale aux différents services et non hiérarchisée. Deux jeunes femmes accueillies en feraient partie (c’était au temps les MAPE n’étaient que foyer maternel, maintenant que l’établissement est aussi parental, on écrirait : de deux parents accueillis) :

« Le choix d’intégrer des jeunes femmes dans une commission institutionnelle (…) est justifié par une évidence : nous sommes dans le même établissement et sur la même planète et tous concernés. C’est aussi une façon de mettre en œuvre de façon concrète les droits de la personne accueillie. »

Et pour conclure :

« Les professionnels intéressés sont priés de se faire connaitre auprès du responsable de service ou du directeur. »

La commission développement durable (CDD à durée indéterminée) a initié ses travaux en juin 2017.

Elle s’est constituée assez progressivement jusqu’à réunir des professionnels concernés par l’ensemble de la problématique par sensibilité personnelle, mais aussi désireux de traduire en actes professionnels leurs convictions personnelles, à son poste de travail, en tant qu’ils seront relais d’une mise en œuvre ou influenceur de décisions : qu’ils soient éducateurs ou professionnels de la petite enfance (actes quotidiens, éducation, transmission au public), économat (décision d’achats, prise en compte pour les travaux, etc.), services généraux (transmission au public, actes quotidiens, etc.).

Si l’air du temps est propice à cette respiration, il fallait à la fois une prise de conscience collective, une organisation dédiée, et une mobilisation de professionnels convaincus, militants de cette cause ou simplement désireux de contribuer à cette transition, capables de s’engager ici et maintenant pour promouvoir de nouveaux comportements et une éducation à la problématique écologique.

On listera ici les actions effectives ou initiées mais tout reste à écrire. Les membres de la CDD sont invités à le faire. Les actions éducatives : ateliers sur l’utilisation et le choix de produits ménagers, à destination des familles accueillies en appartement, sensibilisation à la maîtrise de la consommation d’eau, d’électricité, création de petits potagers (sans engrais chimiques il va de soi), etc.

Les autres axes concernent aussi bien nouveaux comportements professionnels que l’organisation de l’établissement : organisation du tri des déchets dans les internats, création d’un local pour les poubelles favorisant le tri, achat de vaisselle réutilisable pour les évènements festifs,

Lutter contre le gaspillage alimentaire est l’objectif que s’est donné la commission. Il n’y a pas de cuisine de production dans les deux internats qui reçoivent des repas commandés à un prestataire. Une analyse est en cours pour quantifier le nombre de repas non consommés et jetés, pour servir de base à des mesures permettant de réduire ce gaspillage.