Je m’appelle T., j’ai 15 ans, je suis dans un service d’AEMO-Intensive dans le 93. Ma vie n’a pas toujours été simple, je vivais sur un parking, dans une voiture abandonnée avec ma mère, mon frère et ma sœur. Bruno, un habitant de l’immeuble prenait soin de nous. Depuis que je suis arrivé à l’AVVEJ, il y a un an, mon quotidien a été bouleversé : je vois et je vis chaque jour des expériences humaines très riches, que j’ai envie de raconter !

Céline, la cheffe de service a accepté ma prise en charge et m’a présenté à l’ensemble de l’équipe de La Touline : la secrétaire, les éducateurs, les psychologues, les comptables, les agents techniques, et même la direction. D’abord, il y a Séverine, la secrétaire du service. Ses journées sont rythmées et organisées de façon très sécurisante pour moi, alors j’essaie de lui rendre cette sécurité affective qu’elle me procure. Par exemple, c’est toujours auprès d’elle que je me prends mon goûter. Elle me laisse même me reposer dans son bureau, où pourtant, chaque chose est à sa place ! Je la sens apaisée et ça m’apaise moi-même, on a vraiment une relation privilégiée dans laquelle chacun apporte à l’autre : c’est précieux !

Ensuite il y a les référents éducatifs, ils ont chacun leur personnalité et je partage des choses complètement différentes avec chacun d’entre eux. Nicolas apprécie ma présence dans son bureau, il dit de moi que j’attendris l’atmosphère. Isabelle nous regroupe autour d’ateliers d’art thérapie ou de philosophie, je ne comprends pas tout, mais les échanges entre les jeunes sont chouettes! Célia s’obstine à vouloir m’apprendre les bonnes manières, je ne suis pas la reine d’Angleterre ! Avec Julie on s’entend comme chien et chat, et on adore les jeux de contact. Je pourrai suivre Manon au bout du monde, et elle aussi je crois !!! Anne prend le temps de parler avec moi, elle m’aide à comprendre et à mettre du sens sur mes actes. Enfin y’a Caroline, elle est éducatrice sportive et scolaire, elle s’inquiète toujours pour moi, elle a plein de projets, faudrait lui dire que parfois on a le droit de se reposer….

J’adore embêter les psychologues, Sandra et Jean Christophe ; ils se posent plein de questions et ne se fâchent jamais en cas de désaccord. Firmine, Janitha et Lydie, l’équipe de la compta, me trouvent « fun » et adoren quand je passe les voir dans leur bureau.

Quand la direction est là, je fais tout pour me faire remarquer et je pense que je suis leur préféré. J’ai de la chance car tous ces adultes m’apprécient et me l’expriment et ça, ça n’a pas de prix ! Je crois que c’est grâce à toute cette bienveillance que je reçois, que je me plais à aimer tous ceux qui passent par ici, avec leurs blessures, leurs casseroles et leurs maladresses ! Les adultes d’ici aussi ont leurs casseroles et leurs blessures, ils font parfois « genre » que non, mais personne n’est dupe ! Je les écoute, c’est précieux ! Ils sont drôles parce qu’ils n’ont pas tou.te.s. les mêmes règles, les mêmes limites, les mêmes visions ! Je trouve cela très riche car j’apprends beaucoup, mais je me plais aussi à m’engouffrer dans leurs failles ! Et à mon niveau, je leur trouve beaucoup plus de commun qu’ils ne peuvent se l’avouer ou même tout simplement voir ! Je leur fais du bien car ils communiquent à mon sujet, ils se préoccupent de mon bien-être et trouvent des solutions. Tous les enfants devraient avoir le droit d’être aussi bien entourés !

En ce qui concerne les autres personnes prises en charge, il y a Madame K., 34 ans. C’est une dame qui vient de temps en temps et qui est très angoissée et stressée ! Elle craignait de rentrer au service pour son premier rendez-vous et à sa demande je l’ai accompagnée pour qu’elle se sente calme et rassurée ! Il y a vraiment des rencontres « magiques » avec des effets que je sous-estime parfois. C’est vrai que j’ai une manière inconditionnelle d’accueillir les gens et je suis particulièrement sensible aux personnes qui sont angoissées : je vais donc vers elles dans un élan spontané et sans jugement, ce à quoi elles ne sont pas habituées.

Ça n’a pas marché ainsi avec K., 14 ans, ou Madame D., 40 ans. Je ne sais pas pourquoi, à chaque fois que je les vois je vais vers elles pour tenter de les rassurer, mais c’est de moi qu’elles ont peur. Je leur demande pourquoi, mais elles ne me comprennent pas et s’agitent. Cela m’attriste, mais je n’insiste pas, en espérant qu’un jour elles acceptent de rentrer en relation avec moi. C’est ce qui s’est passé avec Nachatou, l’agent d’entretien. Elle avait peur de moi au début, je ne pouvais même pas être dans la même pièce qu’elle ! Alors je lui ai laissé le temps, j’ai essayé de la faire rire à distance, la saluer à son arrivée et à son départ, lui faire des compliments … Et puis un jour elle est venue vers moi ! Quelle joie j’ai ressentie à ce moment-là ! Cela venait en plus me conforter dans l’idée qu’une relation se crée avec le temps et qu’en faisant attention à l’autre, à ses besoins, à ses craintes, on finissait toujours par faire tomber les barrières qui nous séparent entre êtres vivants… Depuis, avec Nachatou, on passe un peu de temps ensemble toutes les semaines !

Après il y a N., 14 ans. Dès qu’elle me voit, elle a l’air d’être très contente ! Elle veut toujours jouer avec moi, mais elle est étrange : elle a l’air de bien m’aimer, mais quand on joue elle veut toujours tout décider et parfois elle me contrarie et elle ne fait pas attention à moi. Elle n’a pas l’air de jouer avec beaucoup de monde dehors, on dirait qu’elle se rattrape avec moi et qu’elle exprime par moments l’agressivité qu’elle reçoit des autres, la pauvre… Alors il me faudra être patient…

Il y a aussi M. et N., 15 ans tous les deux ! Ils sont sympas et demandent à me voir dès qu’ils arrivent ! Mais qu’est-ce qu’ils sont maladroits, c’est une catastrophe ! Ils ne savent pas jouer sans être gauches, mais j’ai l’impression que d’une fois à l’autre, ils font de plus en plus attention à moi et du coup, attention à eux aussi ! W., 14 ans, est très touchant ! Au début de sa prise en charge, il était reclus dans sa chambre, il ne voulait pas venir au service, car il n’avait confiance en personne. On lui a parlé de moi, de ma présence ici, et il a accepté de sortir de chez lui pour me rencontrer ! Quel honneur pour moi ! Je lui ai bien rendu son élan envers moi en l’accueillant avec toute ma bienveillance et ma bonne humeur.

On discute beaucoup tous les deux, je crois qu’il est très intelligent (comment on les appelle déjà ? Ah oui, les zèbres !) et que personne ne le comprend. Moi je l’écoute et je crois qu’il aime ça !

Enfin, il y a A., 15 ans. On a appris à se connaître et à s’apprivoiser l’un l’autre, c’est trop rigolo notre histoire ! Au début quelque chose chez moi l’effrayait, mais elle s’intéressait quand même à moi! Puis un jour, elle était triste de partir en week-end avec d’autres jeunes et que je reste seule. Elle m’a proposé de me joindre au groupe et j’ai accepté avec plaisir. Je ne m’attendais pas du tout à ce qu’elle fasse preuve d’empathie à mon égard, la vie et les jeunes que je rencontre sont pleins de surprises ! En revanche, depuis ce week-end entre filles (que j’ai adoré, car j’ai été choyé), A. utilise le féminin pour parler de moi ! Je n’arrête pas de lui demander pourquoi elle fait ça, mais elle ne me répond pas… Je pense qu’elle a du mal à conjuguer au masculin la tendresse et l’affection que je lui procure…

J’adore ma vie, j’adore mon quotidien !

Je m’appelle Touline. Je suis un chat. Le chat de l’équipe d’AEMO-I du SIOAE 93.