Le rapport d’activité 2020 de Rencontre 93 est édité un peu tard mais qu’importe. Il n’est pas trop tard pour mettre en valeur des travaux dont l’actualité s’inscrit dans le processus long d’une histoire et d’un projet ; ni de témoigner des multiples actions qui font Rencontre, comme autant de détails ou d’actes minuscules qu’il faut examiner un par un pour les relier, pour esquisser son panorama et le rendre intelligible.

Notre travail d’éducateur est celui d’artisans qui consacrent leur attention à des pièces uniques, destinées à se métamorphoser avant de s’envoler. Il s’agit de solidifier ici ce qui nécessairement s’échappe avec elles, par ces écrits qui sont autant la trace de ce qu’elles ont vécu dans les différents lieux d’accueil, que celle de nos vies professionnelles. Il faut aussi poursuivre avec ces témoignages croisés la construction de l’espace commun qu’est cet établissement pluriel, qui tente quotidiennement de créer l’altérité en son sein pour conjurer l’entre-soi.

Notre rapport s’adresse à ceux qui ont confiance en notre capacité à accueillir, prévenir, éduquer, protéger des familles, des enfants, des adolescents ou adolescentes, sur un temps long ou en urgence, avec ou sans conditions.

Si nous sommes avant tout redevables aux personnes dont nous avons la prétention d’améliorer la situation, nous le sommes aussi à l’égard de ceux qui orientent les fonds publics vers nous et qui considèrent à raison qu’ils doivent en avoir pour l’argent du contribuable.

Ce document témoigne de toutes les énergies et des intelligences mises en mouvement pour mériter cette confiance.

Il pourrait paraitre juxtaposition arbitraire d’évènements, projets, tentatives, difficultés, échecs, analyses, expériences, réussites, déblocages, transformations, idées… grains de sable et gouttes d’eau. Il est tout cela et plus encore : il traduit la volonté et le désir obstinés d’agir et de penser l’action simultanément, démarche institutionnelle sans laquelle l’obsolescence du projet serait programmée.

La dédicace à la mémoire d’Abdul Aziz Sylla, décédé accidentellement le 13 juillet 2020 nous rappelle à la modestie s’il en était besoin. Et les pages qui suivent sont dans l’ombre portée de cet évènement dramatique.

Ce rapport est aussi en 2020 une variation sur ce projet éducatif résistant à une crise sanitaire peut-être déjà ordinaire, et qui en définitive, comme s’il avait fallu cela pour le prouver, aura révélé le caractère indispensable des actions de protection de l’enfance, d’insertion et de prévention.

Dans chacun des services, on a cherché des bifurcations pour rejoindre les objectifs qui auraient pu se perdre derrière l’inédit et la sidération collective. Elles ont été trouvées à force d’engagement, d’imagination et de prises de risque. Et certaines bifurcations de hasard s’imposent aujourd’hui comme voies pérennes.

La lecture de ce rapport est indispensable à qui voudrait comprendre ce que fait Rencontre et ce qui le fait.

Nous qui y travaillons, nous nous interrogeons sur cette fabrique complexe de liens à nouer et dénouer, sur la signification de ce mot Rencontre 93, identité et slogan qui nous oblige, comme une utopie possible, accolé à deux chiffres qui l’inscrivent dans le territoire emblématique des difficultés sociales les plus aigües et des expérimentations les plus novatrices.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, tous ces récits parlent directement ou en creux de ceux que notre établissement accueille, et pour les entendre, il faut écouter ce que Rencontre veut dire.

Thierry Simon, directeur